La Crise du couple quand les enfants quittent le nid

Il n’est pas rare de constater une crise du couple au moment où les enfants commencent à s’émanciper, vers l’adolescence. Parfois, la crise a lieu quand les enfants quittent le nid familial. C’est ce que l’on appelle le “syndrome du nid vide”. Mais comment se fait-il que la crise du couple coïncide souvent avec le départ, ou tout au moins, avec l’émancipation progressive de nos enfants ? Quels liens complexes se tissent entre l’émancipation de l’adolescent et du jeune adulte, et l’équilibre dans le couple ? Cet article vous éclairera certainement sur le sujet. Cet article fait suite à mon intervention au studio 66 de Champigny en juin 2019 qui a eu lien en partenariat avec la ville de Champigny Sur Marne à l’occasion des jeudis cinéma, lors de la sortie du film “retour de flamme”, de Juan Vera.

Les signes d’une crise du couple

Il est 19h, un mois de septembre, l’automne pointe son nez un peu trop vite. Dans la cuisine, des plats qui mijotent. Les enfants, devenus plus grands, sont occupés à vivre leur vie de leur côté. Les ados peinent à rentrer à la maison après leurs virées quotidiennes entre copains. L’ainé a pris son appartement, il ne rentre plus que quelques week-end de temps en temps. Il a une petite ami. La grande de seize ans déjà a un copain également. Ils ont grandi. Ils s’en vont chaque jour un peu plus.

Ce soir dans la cuisine, l’atmosphère est tendu, la tension est à son maximum. On est déjà loin des soirées d’été où l’apéro nous attendait entourés de quelques amis au bord de l’eau. Madame fait à manger, Monsieur rentre du travail. Un mot de trop, ou pas assez… Madame rumine, les casseroles sur le feu, tout ce qui lui reste en travers de la gorge, des rancoeurs, des doutes sur son couple, Madame de questionne. Monsieur est fatigué, il bosse trop, il veut être tranquille, il n’a pas envie de parler. Le couple est en crise. Pourtant, quelques semaines auparavant, en bord de plage cet été, tout semblait se passer à merveille. Que s’est-il passé depuis ? D’où vient ce cumul de rancoeurs accumulées en si peu de temps, comme un trop plein entre “NOUS”, qui empêche “NOUS” de s’aimer comme avant, tout simplement ?

Depuis la rentrée, c’est la crise, la crise du couple. Le couple se dispute beaucoup, semble ne plus se comprendre, ne plus se rejoindre même. Des incompréhensions profondes naissent et grandissent progressivement, à mesure que les enfants s’éloignent.. depuis que le grand a pris son appartement… Madame est perdue, elle ne s’y retrouve plus. Elle se sent délaissée, inutile, déprimée. Monsieur n’y comprend rien, il n’a pas le temps ni l’esprit à comprendre. “NOUS” est coupé en deux, un gouffre s’est creusé, comme une faille dans le sol et ces kilomètres de distance entre “NOUS” sonnent comme la fin du monde… la fin du couple.

Et pourtant… qui aurait pensé, quelques semaines plus tôt, que “NOUS” en arriverait là ? Alors pourquoi maintenant ?

Le syndrome du nid vide

Le « syndrome du nid vide » ou « empty nest syndrom » est une étape évolutive se traduisant par toute une série de symptômes physiques et mentaux qui se déclarent une fois que les enfants quittent le cocon familial pour prendre leur envol. Ce moment critique de changement de cycle de vie où les parents voient leurs enfants partir, est égale appelé le “second baby blues“.

Qu’est ce qu’un baby blues ?

Il ‘agit d’état de déprime, de fragilité émotionnelle ou d’instabilité passagère, consécutive à l’accouchement. Cela se produit lorsqu’une femme ne trouve pas son centre après la grossesse, période durant la quelle son centre st occupé par le bébé. Le baby blues touchera notamment les femmes qui n’étaient pas pleinement centrées avant leur grossesse.

La fragilité du couple lorsque les enfants quittent le nid

L’angoisse de séparation des parents commence souvent bien avant que les enfants quittent le nid, au moment de leur adolescence, c’est-à-dire lorsque ceux-ci commencent à avoir leur propre vie amoureuse.

Les répercussions se font inévitablement sentir sur les parents. Ceux-ci se trouvent devant un accroissement brutal de libido, de sentiment d’exclusion et d’abandon et des traumatismes éventuels de leur propre entrée dans la sexualité.

Le maternel est soumis à une horloge, celle de la diminution progressive de ses capacités maternelles et procréatrices. Ce déclin biologique, qui peut représenter, pur certaines mères, un véritable processus de deuil. Parallèlement à cela, le féminin est une poussée sans fin et la libido de la femme ne cesse de croitre, à mesure qu’elle avance en âge. Elle peut se montrer plus exigeante, plus demandeuse de sexualité, tout en ayant besoin d’être rassurée fortement sur ses capacités de séduction, face au déclin maternel auquel elle doit faire face également.

L’homme, quant à lui, peut ressentir ce que les psychanalyste appelle “l’angoisse de castration”, cette peur de ne plus parvenir à pourvoir aux besoins sexuels de sa partenaire, avançant dans l’âge. Cette peur peut également être exacerbée par l’émancipation des enfants, qui sont à la fleur de l’âge et dans la découverte de leur sexualité. Ce miroir, que le père se voit renvoyer, peut être angoissant pour lui. Lui qui était en tête de la famille se retrouve soudain en seconde position, comme il l’était par rapport à son propre père, en position infantile face à un fils devenu un homme et en puissance de devenir un père. Le sentiment de menace de perte du socle narcissique phallique peut être vécu douloureusement. L’angoisse de castration des hommes peut s’accroître du fait que la femme a fait carrière, possède du pouvoir et du savoir, prend l’initiative dans la relation de séduction ou peut le dominer par son intelligence ou l’importance de ses biens matériels. Ceci est renforcé par le fait qu’elle ne peut même plus recevoir de lui un enfant. L’homme, dont la libido augmente également, mais dont la puissance sexuelle diminue, peut alors se tourner, pour satisfaire sa libido et se rassurer sur sa puissance, vers une partenaire bien plus jeune, dont l’accomplissement social et économique n’est pas encore fait et qui peut donc avoir besoin de lui.

Le départ des enfants : un changement dans les cycles de vie

Cette période est critique à plusieurs titres : les jeunes vont-ils réussir leur sevrage du système familial d’origine ? Les parents vont-ils savoir se retrouver à deux sans avoir les enfants comme intermédiaires ? Les éventuels conflits qu’ils avaient éventuellement masqués en restant ensemble « pour les enfants » (formule consacrée) vont-ils prendre de l’ampleur ?

L’enfant est un régulateur de distances pour le couple. L’adolescent, en plein chamboulement hormonal, est très sensible et instable sur le plan émotionnel. Il est donc poreux et vulnérable. Il aura tendance à canaliser les tensions qui l’entourent et à faire corps avec elles, le tout avec beaucoup de colère qui caractérise cette période de la vie.

Si le couple est serein face à ce retour à la vie à deux, les inquiétudes des enfants seront moindres et que donc le système familial aura réellement réussi sa vocation d’éducation. Eduquer vient du latin ex-ducere = conduire hors de.

Malheureusement, beaucoup de systèmes familiaux où les conflits ne sont pas vraiment gérés sont devenus des systèmes « in-ducatifs », en ceci que la préoccupation des enfants est telle qu’ils hésitent à s’autonomiser : ainsi donc la famille d’origine a-t-elle un effet centripète (Tordeurs, 2003), plutôt que centrifuge, dans lequel des mécanismes de type « Tanguy » vont trouver leur origine et leur fondement justificatif.

La tanguyfication ou le syndrome du « nid trop plein »

 Tanguy » est un film d’Etienne Chatiliez, avec dans les principaux rôles André Dussollier, Sabine Azéma et Eric Berger (2001). Son intitulé en est venu à désigner certains de nos jeunes qui suscitent fructueusement des soucis chez leurs parents quant à leur autonomisation.

le processus général d’autonomisation des adolescents diffère notablement de ce qu’il était il y a 20-30 ans : il se trouve de plus en plus souvent « entaché » de périodes de « stagnation » plus ou moins durables et prenant par ailleurs des formes très diverses, malheureusement souvent cumulables. 

Les manifestations les plus fréquentes de ces post positions d’autonomisation sont :

  • le retard scolaire et les insuccès chroniques dans les études;
  • l’hésitation à s’engager professionnellement (dont font partie le syndrome du cumul des diplômes (éternel étudiant) et celui du chômage de longue durée « choisi »);
  • l’hésitation à s’engager affectivement (dont font partie, d’une part la pulsion d’échec qui consiste à se faire « larguer » de façon répétitive, d’autre part par la recherche inlassable du partenaire « idéal » qui de toute façon existera de moins en moins, plus la quête est longue).

On sait qu’à notre époque, le syndrome devient davantage celui du « nid trop plein ». Les difficultés économiques font que bien des adolescents et jeunes adultes continuent à vivre au domicile de leurs parents.

Le départ des enfants : et le couple après ?

L’usure du temps commun et le confort d’un histoire installée et sécurisante crée parfois une baisse d’intensité des sentiments. 

Ce n’est pas tant l’usure du temps, qui est un processus naturel et conjoint. Mais plutôt l’ennui, le manque de surprise et donc d’adrénaline, de dopamine, de sérotonine… cocktail émotionnel qui va nous stimuler l’un vers l’autre.

Dès lors que la magie des sens opèrent encore et que la bougie est encore allumée, même si elle est timide (Devdas), tout est encore possible. Le désir est à la fois simple et complexe car il est magique, tout est affaire de connexion. 

La connexion est instantanée, elle obéit aux lois de la nature.

La nature, c’est ICI ET MAINTENANT. Carpe diem et laisser faire. Lacher tous les enjeux qui nous attachent l’un à l’autre : l’argent, la peur de l’abandon et de la solitude, le jugement, etc…. Pour n’être disponible que pour vivre l’instant. Comme le premier instant, celui où l’on a rien à perdre. Revenir à cet état naturel et s’alléger.